En 2023, plus de 80 % des produits ASOS provenaient de fournisseurs situés en Chine, en Turquie, en Inde et au Bangladesh. Malgré la publication annuelle d’un rapport de transparence, la société reste souvent épinglée pour le manque de clarté sur la chaîne d’approvisionnement au-delà du premier niveau. La certification éthique des usines partenaires varie fortement selon les pays de production.Certains audits indépendants révèlent des écarts entre les engagements affichés et la réalité du terrain, notamment sur les salaires et les conditions de travail. La politique de développement durable d’ASOS suscite des interrogations récurrentes sur l’efficacité réelle de ses actions.
D’où viennent réellement les vêtements ASOS ?
ASOS, maison britannique fondée par Nick Robertson et Quentin Griffiths, n’a jamais fait du « Made in London » un argument de vente. La provenance des vêtements ASOS occupe l’échiquier mondial, bien loin du simple entrepôt anglais. Leur catalogue, pléthorique, assemble à la fois des collections maison et de multiples marques invitées. En coulisses, une chaîne d’approvisionnement tentaculaire, où s’entremêlent des centaines d’intermédiaires, s’active à chaque saison.
La carte des pays fournisseurs ne cesse d’évoluer, avec une domination nette de l’Asie ces dernières années. Chine, Turquie, Inde et Bangladesh assurent la fabrication de la grande majorité des vêtements proposés. Quelques ateliers en Europe de l’Est s’insèrent dans la boucle, mais leur impact reste mineur. Ce modèle fast fashion privilégie les sous-traitants rapides et compétitifs, au détriment d’une vraie visibilité sur les processus.
Produire un vêtement ne se limite plus à l’assemblage final : coton, polyester, viscose et autres matières voyagent à travers le globe avant d’être taillés, cousus, étiquetés. Ce patchwork d’étapes renforce la complexité et brouille la lecture de la filière. Remonter l’origine exacte d’un t-shirt relève de l’exploit. À partir du second niveau de sous-traitance, la traçabilité devient quasi opaque.
Ce dédale logistique interroge sur le sens même de « l’origine ». Un vêtement imaginé à Londres, fabriqué à des milliers de kilomètres, passe de main en main et finit par rejoindre les portants britanniques. Mais alors, d’où vient-il vraiment ?
Cartographie des principaux pays de production et enjeux locaux
Regardons plus précisément comment les principaux pays producteurs s’inscrivent dans cette opération d’envergure. Les ateliers d’ASOS en Chine, Inde, Bangladesh et Turquie suivent chacun une logique particulière. En Chine, la force industrielle s’appuie sur un réseau de usines textiles parmi les plus denses de la planète. Les cadences y sont soutenues, la flexibilité élevée, mais les salariés affrontent souvent une pression constante. Les audits existent, mais parvenir à une vision exhaustive reste compliqué, même pour les acteurs locaux.
En Inde et au Bangladesh, la main-d’œuvre est abondante et les salaires très bas. Les matières premières, notamment le coton et la viscose, circulent parfois dans les mêmes zones agricoles et industrielles. Les problèmes ne manquent pas : gestion difficile des produits chimiques, exposition régulière à des substances toxiques, respect des droits sociaux souvent remis en cause. Après l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, des efforts ont vu le jour, mais la surveillance demeure plus que jamais nécessaire.
Voici ce qui distingue les contextes selon les pays concernés :
- Turquie : proximité géographique, technicité reconnue, délais raccourcis. Mais instabilités politiques susceptibles de perturber la chaîne d’approvisionnement.
- Chine : avance en innovation textile, volumes massifs, mais environnement sous tension du fait de la pression écologique et sociale sur les usines.
- Inde et Bangladesh : coûts ultra-compétitifs, forte dépendance au marché mondial, conditions de travail et respect de l’environnement à surveiller.
Ce panorama révèle des circuits mouvants : chaque territoire a ses atouts, mais porte aussi son lot de défis. C’est toute la mécanique de la mode mondialisée qui s’exprime ici, où la recherche du rendement côtoie les risques économiques et sociaux.
Éthique et durabilité : quelle réalité derrière les engagements d’ASOS ?
Les déclarations de bonnes intentions abondent. Mise en avant des matières durables, textiles recyclés, objectif de limiter leur empreinte sociale et environnementale. Officiellement, les pages s’habillent de logos, labels et chartes. Mais la réalité, sur le terrain, diffère souvent : la communication soigne l’image, la réalité industrielle reste résistante au changement.
La gestion des déchets, difficile à encadrer, reste un écueil pour l’industrie de la mode. ASOS prétend rationaliser sa chaîne d’approvisionnement mais ses collections renouvelées à un rythme effréné rendent le suivi difficile. Les audits se multiplient pour évaluer le respect des droits humains, et la société rend publique la liste de ses principaux fournisseurs. Mais impossible, même avec la meilleure volonté, de suivre à la trace chaque pièce produite.
Quelques chiffres illustrent ces dynamiques : plus de 30 % du catalogue actuel intègre une part de matières recyclées ou certifiées. Des outils de suivi interne sont testés et déployés. Mais la forte concentration de la fabrication dans certains pays producteurs limite le contrôle global. Les missions sur place révèlent, régulièrement, des écarts avec les standards brandis en façade.
Plusieurs axes sont fréquemment cités pour progresser, même si la transformation tarde :
- Respect des droits : constats variables selon les usines, mais davantage d’audits sur le terrain chaque année.
- Matériaux durables : des avancées mais un rattrapage notable attendu sur le coton et la viscose.
- Gestion des déchets : des tests sur le recyclage textile, encore en phase pilote.
Les initiatives d’ASOS pour mieux répondre aux enjeux sociaux et environnementaux existent, mais leur efficacité concrète suscite toujours le débat. La vitesse dictée par la fast fashion entretient un système difficile à réformer en profondeur.
Comprendre l’impact de la fast fashion : ressources et pistes pour aller plus loin
Un simple achat en ligne enclenche une vaste chorégraphie logistique, parfois à l’autre bout du globe. Le modèle fast fashion imposé par ASOS, Shein ou d’autres acteurs milite pour des collections en cascade, des cycles courts, une fabrication éclatée sur plusieurs continents. La cadence a un prix. En bout de chaîne : pollution, pression climatique, conditions de travail précaires pour beaucoup.
La mode rapide consomme une quantité impressionnante de ressources naturelles : eau, énergie, matières premières collectées loin des regards. Les émissions de CO2 explosent avec chaque étape de transport, tandis que l’usage de produits chimiques dans la teinture et l’ennoblissement accentue les atteintes à l’environnement, surtout en Asie. Au bout du cycle : des vêtements éliminés aussi vite qu’ils ont été conçus, un recyclage timidement amorcé et de vastes décharges textiles hors de vue du grand public.
L’impact social va bien au-delà de la simple problématique salariale. Il englobe aussi la précarité de millions de travailleurs, la fragilité d’un secteur qui offre peu de protections, et l’instabilité croissante des conditions d’emploi. De nombreux rapports pointent les failles récurrentes du secteur textile et la nécessité d’initiatives plus ambitieuses.
S’attaquer au problème exige un regard lucide sur la complexité du système : production accélérée, multiplication des intervenants, attentes nouvelles des consommateurs. Pour mieux comprendre les leviers d’action, plusieurs axes méritent d’être examinés :
- Fast fashion : accélérateur d’innovations, mais facteur de pression sociale et environnementale manifeste.
- Transparence : revendication croissante, aussi bien du côté des consommateurs que des ONG.
- Pistes : miser sur les certifications, enrichir ses connaissances sur la provenance, privilégier les démarches transparentes.
Face à cette course effrénée aux nouveautés, une question s’impose : jusqu’où le consommateur acceptera-t-il que ses choix vestimentaires tracent de si longues distances ?

